Dès sa commercialisation à grande échelle dans les années 1990, Jocelyn Denis a senti que le téléphone portable allait bouleverser notre vie et les relations entre entreprises et clients. Entre technologies innovantes et management participatif hérité d’un ancien guide de haute montagne, Digitaleo est une entreprise surprenante, qui place l’esprit d’équipe et la vision à long terme au-dessus de tout.

EUPTOUYOU.- Pouvez vous nous présenter l’entreprise Digitaleo en quelques mots ?
JOCELYN DENIS.- J’ai créé Digitaleo en 2004, en Bretagne. Je suis resté seul deux ans dans mon grenier, sous les Velux. Il y avait un vrai esprit start-up ! Digitaleo est une société qui édite des logiciels nouvelle génération destinés à la communication en temps réel avec les consommateurs. Cela permet de réaliser par exemple des sondages, des enquêtes de satisfaction, des campagnes de marketing direct, etc… Depuis le début, j’ai travaillé avec le secteur automobile, l’éducation, les banques, les assurances…donc des sources de marché très variées.  Nous réalisons en fait des campagnes de marketing direct, et, surtout, toujours en temps réel… Cette dernière notion est primordiale. Depuis le début, nous affichons une croissance à deux voire trois chiffres, et nous n’avons jamais eu à faire de levée de fonds, ce qui est assez atypique dans le secteur  des nouvelles technologies.

Comment est venue l’idée de créer Digitaleo  ?
J’ai toujours voulu être entrepreneur et, dès l’apparition du téléphone mobile, j’ai été persuadé que ça deviendrait un objet incontournable, un mini-ordinateur dans la poche ! Avec l’apparition du Smartphone, on a maintenant un vrai couteau suisse, ce qui nous a permis d’aller rapidement vers la communication multicanal. Quand je me suis lancé en 2004, j’avais un petit Nokia basique, noir et blanc, il n’y avait pas Facebook ou Youtube… aujourd’hui, tout cela change très vite.

Votre entreprise est très axée nouvelle technologies… D’après vous, quelles sont les trois qualités nécessaires à une entreprise pour rester compétitive dans ce domaine ?
D’après mon expérience, il y a 3 qualités à ne jamais perdre de vue :
1. Toujours savoir innover. Il ne faut pas avoir peur de beaucoup investir, et surtout avoir une vision moyen/long terme. Le digital est une vraie révolution industrielle, qui chamboule tout. Comme nous sommes en plein dedans, nous oublions parfois à quel point notre quotidien change vite.
2. Quand on est en pleine croissance, tout va très vite, et il faut savoir continuer à fédérer autour du projet d’entreprise. On a par exemple eu à gérer 20 recrutements en 4 mois. Il faut savoir s’entourer, savoir se faire conseiller.
3. Toujours être très orienté client/utilisateur. Quand on se lance dans l’entrepreneuriat, il ne faut pas faire ce que l’on veut, mais ce que les clients veulent. C’est la base du marketing !

Si vous deviez remercier quelqu’un ou quelque chose, qui cela serait-il et pourquoi ?
Mon premier client ! Il s’agit de Thierry Prud’homme, ancien responsable des concessions Volkswagen à Nantes et Rennes. Je suis venu le voir avec mon idée d’entreprise, et il m’a dit « Non, ce n’est pas du tout ce que je veux. Moi, il faut une application la plus rapide possible, plus rapide qu’un appel téléphonique, pour informer et échanger avec mes clients par SMS. »
Je remercie aussi Eric Julien, qui est consultant pour Digitaleo. Il a une histoire formidable : il était guide de haute montagne et il a fait une embolie pulmonaire en pleine jungle colombienne. Il a été sauvé par les indiens Kogi, qui l’ont recueilli et soigné un mois. Au moment de repartir, il leur a demandé « Comment vous remercier ? », ils ont répondu « Aide-nous à sauver nos terres ! ». Depuis, Eric œuvre au rapprochement entre le « monde » Kogi et le nôtre. Et il est devenu le précurseur du management participatif en France… Il est essentiel chez Digitaleo, car il nous apprend à fédérer.

Vous aidez de nombreuse entreprises à améliorer leur politique de communication, et vous travaillez par exemple pour quelques grands groupes automobiles ( Peugeot-Citroën,  Nissan, BMW… ). Comment gérez vous le fait d’améliorer la stratégie marketing de marques concurrentes ?
En réalité, nous offrons des outils, et pas le marketing lui-même. Du coup, nos outils sont adaptables à toutes les stratégies marketing. Nos solutions s’adaptent à la stratégie et aux besoins de toutes les marques.

Quels sont les principes de management qui vous tiennent le plus à coeur ?
Le premier, c’est savoir fédérer et écouter. La mise en place d’un vrai management participatif a été un profond bouleversement dans la gouvernance d’entreprise. Ensuite, Eric Julien m’a fait écrire il y a quelque temps un document qui a changé Digitaleo : « Vision de l’entreprise en 2020 ». C’est un petit livre de 35 pages, à la fois très littéraire et assez précis sur le projet de toute l’équipe de Digitaleo. En fait, une fois que je l’ai écrit, j’ai dû passer mon Grand Oral et le montrer à toute l’équipe, me dévoiler finalement ! Et tous les collaborateurs ont posé des questions, demandé des précisions, des changements : c’est devenu leur projet ! Le troisième, ça a été la définition de 5 mots clefs, représentant 5 valeurs phares de l’entreprise : Réactivité, Esprit d’équipe, Créativité, Sens du client et Simplicité. Cela nous a aidé à définir les bonnes attitudes, les bonnes pratiques de ces valeurs au sein de l’entreprise, et donc d’évaluer nos collaborateurs. Et cela nous a aidé à ne pas perdre notre vision du futur de notre entreprise.

Un conseil, un seul, pour un entrepreneur débutant ?
Ne pas chercher la rentabilité à court terme. Surtout dans le domaine du digital, beaucoup de gens qui se lancent ont une vision trop court-termiste… Je crois qu’il faut savoir exprimer une vision à moyen ou long terme pour fédérer toute l’équipe, et donc construire son entreprise dans la durée.

Quelle est l’erreur qui a failli vous coûter cher ?
La dispersion. Quand ça marche, on a envie de tout faire. On est très sollicité, on a plein d’offres partout… Le danger est de sortir de son « milieu d’origine », de vouloir créer trop d’offres, de vouloir se lancer dans trop de projets à la fois. Par exemple, on a ouvert une filiale aux Etats-Unis en 2010. Même si elle existe toujours, ça a été beaucoup trop tôt. On a consommé beaucoup de temps et d’énergie .

Quel chiffre résumerait l’entreprise Digitaleo ?
Je vais donner trois chiffres : à fin 2012, on a un parc actif de 2 500 clients, soit 15 000 utilisateurs, avec une prévision de 105 millions de messages envoyés en 2013.

Votre définition du succès ?
C’est le succès collectif, qui est fait dans l’effort et non dans la facilité. Par exemple, un « beau » client gagné avec difficulté par un effort collectif. J’ai créé mon entreprise très proche de l’esprit du sport collectif, et surtout pas pour gagner de l’argent. Mon plus grand bonheur est de pouvoir me dire que depuis neuf ans, il n’y pas un seul jour où je me suis levé en me disant « je n’ai pas envie de bosser ». Il faut être un peu idéaliste, ne pas travailler pour gagner absolument de l’argent.

Un sport collectif en particulier ?
J’ai une vraie passion pour le basket, mais en fait j’adore tous les sports collectifs avec un ballon. En fait, je cherche un peu à créer dans mon entreprise une ambiance de vestiaires. L’été dernier, on a organisé des Olympiades : le principe était de faire plusieurs équipes qui proposaient aux autres un jeu collectif, ludique et créatif… c’était une super idée, sans doute le meilleur séminaire qu’on ait jamais fait, la preuve : on recommence en juillet !

De plus en plus d’entreprises renoncent à utiliser les réseaux sociaux (par exemple GM quitte Facebook) car elles jugent qu’ils n’apportent pas de valeur ajoutée…. Qu’en pensez-vous ?
Il y a encore quelques inconnues avec les réseaux sociaux, quand on fait du marketing avec eux, il faut être très prudent … On ne pourra pas automatiser entièrement le marketing sur les réseaux sociaux, il faut quelqu’un derrière pour organiser tout ça. Je crois que c’est important pour les entreprises d’être présentes sur les réseaux sociaux, même si en France on est très, très en retard sur les Etats-Unis… Là-bas, le moindre petit restaurant à sa page Facebook. Les réseaux sociaux sont très intéressants, car cela permet d’avoir une relation particulière avec les clients, de les impliquer, les mettre en mouvement. Ils peuvent s’exprimer, voter, participer à des concours de « like » entre deux ou trois produits proposés par une marque, etc …

Que vous apporte votre présence dans l’agglomération rennaise (si elle vous apporte quelque chose) ?
On trouve beaucoup d’ingénieurs à Rennes, ce qui est un plus car nous avons déjà 20 ingénieurs à Digitaleo, soit un tiers de nos employés. Les Bretons ont aussi un avantage, car ils sont fiers et solidaires, il y a un vrai esprit d’entraide ! A Rennes, on est plus télécoms, alors qu’à Nantes, on est plus dans le soft, dans le web. La qualité de vie à Rennes est aussi reconnue, malgré le climat. Notree cadre de travail va changer aussi, car nous avons racheté de vieux entrepôts militaires pour les rénover et en faire le siège social de Digitaleo. Bref, que des avantages, mais entre nous, vivement le TGV Paris-Rennes … [rires]

Si vous pouviez diriger une autre entreprise, ce serait…
Je ne me suis jamais posé la question … Une entreprise dans le digital que j’aurais créée moi-même !

Quels sont vos principaux avantages concurrentiels ?
J’en vois trois : Nous proposons d’abord des solutions accessibles d’utilisation, faciles au démarrage (il n’y a rien à installer, il faut juste suivre une formation d’une heure). En termes de prix aussi, nos solutions sont accessibles, les premiers produits sont à quelques dizaines d’euros par mois. Notre processus d’évolution continu des plate-formes est notre second avantage : elles sont mises à jour toutes les trois semaines ! On utilise pour ça les méthodes AGILE [NDLR : groupes de pratiques qui se veulent plus pragmatiques que les méthodes traditionnelles. Elles impliquent au maximum le client et permettent une grande réactivité à ses demandes. Elles visent la satisfaction réelle du client en priorité aux termes d’un contrat de développement], ce qui nous permet d’être très réactifs aux besoins clients. Enfin, nous sommes aussi reconnus pour notre qualité. On investit beaucoup plus que la plupart des autres acteurs du domaine.

Votre entreprise dans 2 ou 3 ans ?
Nous avons comme objectif de faire 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en croissance organique, soit une croissance de + 500%. J’envisage d’avoir 200 collaborateurs environ. Surtout, je souhaite que Digitaleo soit une belle référence, implantée à l’étranger.

Quand vous recrutez, à quoi attachez-vous le plus d’importance chez un candidat ?
Au caractère, plus qu’aux diplômes, même si ceux-ci sont importants. Nous recherchons un esprit mobile, qui sait s’adapter, qui est curieux. Nous voulons aussi que le candidat ait une vision de lui-même dans l’avenir, avec des projets à long terme.

Une bonne adresse à Rennes ?
Le Tire-Bouchon : c’est un restaurant-bar à vins, qui propose de la cuisine maison, simple, et sans fioritures.

 Chiffres-clefs

  • Chiffres d’affaires 2012 = 5,8 millions €
  • Chiffres d’affaires 2013 (objectifs) = 9,2 millions €
  • Croissance du CA en 2012 = +80%
  • Résultat net (2012) = 324 000 €
  • Effectifs = 56 personnes

Dates clefs

  • 2004 : fondation à Rennes
  • Janvier 2006 : premier salarié recruté
  • Février 2007 : premier ingénieur recruté
  • Janvier 2010 : création d’une filiale aux Etats-Unis
  • Septembre 2010 : intégration de 20 personnes en 4 mois
  • Octobre 2011 : séminaire sur le management participatif
  • Janvier 2013 : équipe de direction complète

Parcours

  • 9 mars 1975 : naissance à Cholet (Maine-et-Loire)
  • 1995 : diplôme de l’IUT de St Nazaire (techniques commerciales)
  • 1998 : diplôme de l’ESCEM : Ecole de Commerce de Tours-Poitiers
  • 1999 : diplôme de l’université de Leicester (Angleterre) en marketing international
  • Jusqu’en 2001 : travaille à Kraft Food
  • 2001-2003 : travaille chez Guillemot Corporation, filiale d’Ubisoft
  • 2004 : Fonde Digitaleo

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